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L’immeuble familial à appartements, à Athènes

Tsellos Konstantinos
Cadre Bâti, Logement, Structure Sociale

DOI

2025 | Juin

À première vue, du haut d’une des collines d’Athènes, on constate que les milliers d’immeubles à appartements produit un paysage particulièrement homogène. En tant qu’image et morphologie, la répétition constante du type de bâtiment qu’est l’immeuble à appartements renvoie, en apparence, à quelque type d’égalité entre habitations et, partant, entre habitants, et suggère, trompeusement, l’absence de contrastes sociaux, économiques et culturels particuliers. Si, toutefois, on concentre le regard sur une échelle plus petite et si l’on effectue une recherche dans l’histoire de la reconstruction d’Athènes de l’après-guerre, cette observation s’inverse. Le type unique de l’immeuble à appartements est un ensemble de multiples versions de celui-ci (Tsiampaos, 2022), tandis que chacune des versions a été créée selon des modes dissemblables et inégaux.

L’expression « immeuble familial à appartements » est quelque peu abusive, non scientifique et quasi-orale. Ainsi, dans le cadre du présent article, nous tentons de définir, de décrire et de mettre en évidence l’immeuble familial à appartements en tant que partie de ces variations et en tant que produit distinct des systèmes dominants de logement de l’après-guerre. Outre la revue de la bibliographie en la matière et afin d’explorer la question de l’immeuble familial à appartements, nous avons étudié des immeubles familiaux à appartements d’Athènes (nous avons interviewé des habitants actuels et anciens et nous avons produit des plans), nous avons également créé des cartes après avoir analysé les données quantitatives et statistiques issues des recensements des bâtiments par ELSTAT (2011) et le ministère de l’environnement et de l’énergie.

Le cadre historique

La carte de l’urbanisme de la Grèce a changé de façon significative après la fin de la seconde guerre mondiale et de la guerre civile. Les forts flux migratoires de la campagne vers les grands centres urbains et, surtout, vers Athènes, eurent pour effet la multiplication de la population de la capitale et la transformation de son tissu urbain.

Toutefois, l’Athènes de l’après-guerre n’offrait ni de nombreux emplois – puisque le secteur industriel n’était pas particulièrement développé – ni de services sociaux suffisants. Ces deux éléments eurent pour effet de pousser les migrants domestiques à rechercher un logement permanent, c’est-à-dire, cet élément dont ils pensaient qu’il leur offrirait un minimum de sécurité pour leur nouvelle vie dans la capitale (Maloutas, 2018: 80). La voie vers l’acquisition de ce logement passait par la construction privée d’habitations. Ainsi, les systèmes de logement qui furent largement mis en œuvre dans le domaine de la reconstruction privée d’Athènes de l’après-guerre et répondirent à ce besoin impérieux de logement étaient au nombre de deux : l’auto-logement et la contre-prestation (antiparochi).

L’auto-logement fut le système de logement principalement développé dans les années 1950 et 1960, de l’après-guerre. Selon ce système, le propriétaire du terrain décide, gère et finance tout le processus de la construction afin d’assurer son logement et celui de sa famille (Maloutas, 2018: 28 ; Mantouvalou, 1996: 56). Du point de vue spatial, il fut suivi principalement dans la banlieue d’Athènes et, plus particulièrement, dans sa partie ouest. De plus, étant donné que ces zones consistaient principalement en terres agricoles qui n’étaient pas intégrées au plan urbain, la construction était effectuée souvent sans permis.

Du point de vue morphologique, l’habitation populaire de l’auto-logement, résultant souvent de l’autoconstruction à laquelle participaient souvent proches et amis, était une habitation à un étage, initialement composée d’un noyau ayant un espace unique. Au fil du temps, ce noyau évoluait, s’étendait (ajout), voire, était remplacé par des constructions plus solides. Outre les ajouts horizontaux, ce noyau pouvait également être étendu en hauteur, ce que l’on appelait le « panosikoma » (littéralement « levée vers le haut ») [1]. Ainsi, progressivement, le noyau se transformait en petit immeuble à appartements. Ce petit immeuble à appartements, comptant quelques étages, constitue le tronc principal de ce que l’on appelle « l’immeuble familial à appartements » que nous analyserons de manière exhaustive par la suite.

Pour ce qui est du système de logement de la contre-prestation, il domina dans les années 1960 et 1970 et façonnât l’image des grandes villes de Grèce et, surtout, d’Athènes. Le résultat de ce système fut l’immeuble à appartements à plusieurs étages. Du point de vue spatial, le système de la contre-prestation se développa principalement dans la municipalité d’Athènes, puis, dans les municipalités limitrophes est et sud et, plus tard, en raison du processus de banlieurisation, s’étendit dans la région élargie d’Athènes (Maloutas, 2000: 28). Woditsch et Kammerbauer (2018: 85-111), analysent l’immeuble à appartements issu de la contre-prestation, à Athènes, en neuf caractéristiques fondamentales : le canevas des soutènements, le noyau de mouvement perpendiculaire, les hauteurs des étages, la galerie d’entrée du rez-de-chaussée, les balcons, les retirés, le toit en terrasse, la hiérarchie socio-économique verticale et le mélange de fonctions publiques et privées.

La famille grecque et l’habitation

En Grèce, les racines de la famille méditerranéenne contemporaine se situent dans son récent passé rural, où les rapports à la terre, la production et l’habitation était une affaire de famille. De même, dans les conditions de l’urbanisation de l’après-guerre, l’accès à l’habitation, qui demeura une affaire de famille, fut autofinancé. En effet, il fallait compter sur les ressources de la famille, étant donné que la contribution de l’État à la production de logement était quasiment nulle et que le crédit au logement n’existait pas, jusqu’aux années 1990 (Oikonomou, 1987 ; Maloutas, 2018). Dans le nouvel environnement de la grande ville, les réseaux familiaux furent reconstitués et assumèrent des rôles multiples tels que l’établissement et le logement des membres de la famille, l’emploi, les soins à apporter aux enfants et aux membres âgés de la famille. Ces relations et pratiques d’entraide nécessitaient d’assurer la proximité spatiale entre les membres de la famille élargie [2] (Allen et al., 2004). Ainsi, plusieurs familles choisirent de résider dans le même quartier, voire, dans le même immeuble, dans des appartements distincts. Au fil du temps, plusieurs immeubles familiaux à appartements furent construits. Ils constituèrent la cartographie spatiale la plus évidente du logement de la famille élargie dans la capitale.

L’immeuble familial à appartements – définition

Il est clair que l’expression « immeuble familial à appartements » n’est pas une expression scientifique établie mais une expression du langage courant. Il est également probable que cette expression entraîne une certaine confusion quant à ce que l’adjectif « familial » signifie dans ce contexte. Néanmoins, la formule spatiale que s’efforce de décrire un immeuble familial à appartements renvoie à un tel immeuble dont les différents appartements sont occupés par des membres de la même famille.

Une définition plus complète de l’immeuble familial à appartements comporte quatre principaux points : a) le fait qu’un ou plusieurs membres de la même famille occupaient le terrain initial où le bâtiment a été érigé, b) que les appartements de cet immeuble sont la propriété de membres de la famille et habités par les propriétaires, c) que la majorité des appartements appartient aux membres de la famille, ce qui permet à la famille élargie d’avoir le « contrôle » sur le bâtiment, d) que le nouveau bâtiment présente les propriétés fondamentales de l’immeuble à appartements, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un édifice à plusieurs étages (rez-de-chaussée + 2 étages ou plus) à appartements indépendants (au moins trois logements).

Sur la base de ces quatre points, il est également possible de tirer certaines conclusions et de formuler des observations secondaires, mais importantes. En premier lieu, l’objectif primaire de la construction d’un immeuble familial à appartements est de loger les membres de la famille. L’immeuble familial à appartements est en tout premier lieu érigé pour résoudre le problème du logement des membres de la famille et, en second lieu (et, ce, uniquement s’il existe un excédent d’espace) pour permettre à la famille de tirer profit de l’exploitation de l’espace bâti supplémentaire, au moyen de sa vente ou de sa location. Par conséquent, la valeur nettement supérieure qui résulte de l’espace bâti, par comparaison au terrain initial ou à la maison individuelle initiale, ne résulte pas d’une démarche visant à investir mais bien à loger les membres de la famille. Cela oppose structurellement l’immeuble familial à appartements à l’immeuble à appartements qui est construit en guise d’investissement. L’immeuble à appartements typique, érigé dans le cadre d’une contre-prestation, se situe entre les deux. Cette différenciation devient évidente dans le mode de production, la qualité spatiale des appartements, voire, dans la composition des ménages qui y habitent.

Une seconde observation concernant la définition de l’immeuble familial à appartements a trait à la partie du logement. Nous l’avons relevé : l’immeuble à appartements est entendu comme étant « familial » si outre le fait qu’il est propriété de la famille, il est également habité par des membres de la famille. Par conséquent, si un immeuble à appartements a été érigé en tant que familial, cela ne signifie pas qu’au fil des ans il continuera d’être qualifié de « familial ». Un immeuble à appartements est, demeure ou devient familial si ses appartements sont occupés par des membres de la même famille. Si la majorité des membres déménage, même s’ils continuent d’être propriétaires des appartements, l’immeuble cesse d’être considéré comme un immeuble familial à appartements.

Cette observation a trait à la sensation de familiarité, au sens propre. Il s’agit de la familiarité qui se développe entre les habitants-proches au sein de la coque spatiale de l’immeuble à appartements, qui est probablement une des caractéristiques déterminantes les plus importantes de l’immeuble familial à appartements. Afin que cette sensation de familiarité prévale, cette communication quotidienne s’impose. Les échanges et les rencontres quotidiennes – fussent-elles fortuites – les services échangés, les pratiques et arrangements partagés entre les membres de la famille consolident ce sentiment.

L’immeuble familial à appartements et les systèmes de logement

En ce qui concerne le mode de construction, en dépit des différenciations qu’il présente, l’immeuble familial à appartements suit les systèmes dominants en matière de logement, de l’auto-logement et de la contre-prestation, qui furent appliqués dans les années de l’après-guerre.

L’immeuble familial à appartements par auto-logement

L’immeuble familial à appartements est principalement construit selon le système de logement par commande (avec la participation d’un entrepreneur). L’autoconstruction intervient à titre secondaire. Du point de vue morphologique, l’immeuble familial à appartements de l’auto-logement est un immeuble à appartements de petite taille. Il s’agit d’un immeuble bas (habituellement à 2 [3] ou 3 étages), il présente un taux de couverture limité [4] (habituellement, environ 100 m²) et compte peu d’appartements (habituellement, au nombre variant entre 3 et 5). C’est pourquoi, dans ces cas, il arrive fréquemment que dans les immeubles familiaux à appartement, chaque appartement occupe l’intégralité d’un étage. En pratique, pour chaque jeune membre de la famille qui devenait indépendant et souhaitait créer sa propre famille, on ajoutait un niveau supplémentaire. Au-delà de sa taille, l’immeuble familial à appartements de l’autoconstruction diffère de l’immeuble à appartements typique à plusieurs étages d’Athènes par d’autres caractéristiques morphologiques. Ainsi, des éléments tels que le retiré ou la galerie longeant la rue sont absents, les espaces communs, tels que l’entrée, ne sont pas mis en valeur, et souvent il n’y a pas d’ascenseur.

Le mode de construction de l’immeuble familial à appartements de l’auto-logement était différent de celui de l’immeuble à appartements typique construit par contre-prestation. Étant donné que le coût de construction, même d’un immeuble à appartements aussi petit, était relativement élevé pour les classes sociales populaires et moyennes, l’immeuble familial à appartements n’était habituellement pas construit dans son intégralité dès le début. Il l’était par étapes. Les différentes étapes concernent aussi bien la construction des charpentes – et plus précisément, les structures en béton – que les travaux d’achèvement de chaque appartement (maçonneries, remplissages, équipements intérieurs, etc.). Ainsi, il existe des cas où l’on commença par construire le rez-de-chaussée de l’immeuble à appartements et, ensuite, suivant la méthode de la « levée vers le haut » et des « attentes » [5], on ajouta des étages. Dans d’autres cas, il est possible que l’on ait coulé l’intégralité des bétons, mais l’achèvement de tous les étages a eu lieu au fil des ans. La dernière étape d’extension de l’immeuble familial à appartements porte généralement sur le « doma », sur le toit. Cette petite pièce, initialement construite en tant qu’aboutissement de la cage d’escalier ou d’ascenseur, s’étend à l’horizontale et de façon arbitraire sur le toit en terrasse commun et, ainsi, évolue en petit studio ou en local d’entreposage élargi utilisé par les membres de la famille. L’extension arbitraire du doma sur le toit en terrasse commun est une pratique répandue qui semble aller de soi dans le cas de l’immeuble familial à appartements, puisque les besoins en espaces sont accrus tandis que les copropriétaires n’expriment pas d’objections ou ne contrôlent pas la démarche.

En outre, les immeubles familiaux à appartements étaient financés par étapes, au fur et à mesure que les travaux avançaient, puisque le capital de départ n’assurait habituellement pas l’achèvement complet de la construction. Afin de réduire le coût, parfois, les membres de la famille participaient en personne aux travaux de construction de l’immeuble familial à appartements. Si certains immeubles familiaux à appartements étaient achevés par étapes, il existe également de tels immeubles dont la construction fut achevée en une fois. Des couches sociales plus aisées (des professionnels ayant un lien avec le secteur du bâtiment, par exemple, des entrepreneurs, des familles qui avaient vendu des avoirs dont elles disposaient en province ou encore des familles qui disposaient d’une épargne conséquente) réussirent à faire construire en une fois un immeuble à appartements afin de se loger.

Figure 1: Immeuble familial à appartements de l’auto-logement situé à Vyronas (phases de construction, utilisations et taille des appartements, rapport habitants-proches)


Note: Le lien de parenté est déterminé du point de vue de la personne interviewée, âgée d’environ 25 ans.

Figure 2: Immeuble familial à appartements de l’auto-logement situé à Ilioupoli (phases de construction, utilisations et taille des appartements, rapport habitants-proches).


Note: Le lien de parenté est déterminé du point de vue de la personne interviewée (qui ne réside plus dans l’immeuble familial à appartements), âgée d’environ 30 ans.

Figure 3: Immeuble familial à appartements de l’auto-logement situé à Chaïdari (phases de construction, utilisations et taille des appartements, rapport habitants-proches)


Note: Le lien de parenté est déterminé du point de vue de la personne interviewée, âgée d’environ 30 ans

Figure 4: Immeuble familial à appartements de l’auto-logement situé à Lykavittos (phases de construction, utilisations et taille des appartements, rapport habitants-proches)


Note: Le lien de parenté est déterminé du point de vue de la personne interviewée (qui ne réside plus dans l’immeuble familial à appartements), âgée d’environ 30 ans

L’immeuble familial à appartements par contre-prestation

Le second mode de construction de l’immeuble familial à appartements est celui de la contre-prestation. Le principal problème pour convertir un immeuble à appartements érigé par contre-prestation en immeuble familial à appartements a trait au coût accru mais aussi aux pourcentages du produit final que recevront le propriétaire du terrain et l’entrepreneur. Dès lors que, habituellement, les pourcentages les plus élevés reviennent à l’entrepreneur, la question est de savoir comment le propriétaire du terrain obtiendra la majorité des appartements pour sa famille. Pour y arriver, le propriétaire du terrain achète dès le départ auprès de l’entrepreneur quelques appartements supplémentaires ou bien ceux-ci sont acquis progressivement par la famille. La solution consiste pour le propriétaire du terrain à acheter dès le départ quelques appartements supplémentaires à l’entrepreneur ou pour la famille à les acquérir progressivement. Dans d’autres cas, l’entrepreneur lui-même choisit de ne pas vendre les appartements qui lui appartiennent, afin d’y loger sa famille. Les choses sont plus simples lorsque le partenariat entre propriétaire du terrain et entrepreneur est une affaire de famille.

Dans les cas des immeubles familiaux à appartements selon le système de la contre-prestation, on ne se réfère pas à des immeubles purement familiaux, comme c’est habituellement le cas lors de l’auto-logement. Dans les immeubles à appartements de la contre-prestation, les membres de la famille détiennent la majorité des appartements, par comparaison aux tiers qui résident dans le même immeuble. Du point de vue morphologique et en ce qui concerne la taille de l’immeuble familial à appartements érigés par contre-prestation, il s’agit habituellement d’un immeuble à appartements à plusieurs étages (entre 3 et 6 étages) qui, toutefois, en raison de la petite taille du terrain ou du faible taux de couverture, dispose d’un nombre relativement limité d’appartements (habituellement jusqu’à 10 appartements).

Figure 5: Immeuble familial à appartements de la contre-prestation situé à Ilissia (phases de construction, utilisations et taille des appartements, rapport habitants-proches)

Note 01: Le lien de parenté est déterminé du point de vue de la personne interviewée (qui ne réside plus dans l’immeuble familial à appartements), âgée d’environ 25 ans.

Note 02: Il est à noter que l’appartement situé en mezzanine a été acquis par la famille auprès de l’entrepreneur, en sus des mètres carrés qu’elle recevrait dans le cadre du processus de la contre-prestation.

Figure 6: Immeuble familial à appartements de la contre-prestation situé à Petroupoli (phases de construction, utilisations et taille des appartements, rapport habitants-proches)

Note 01: Le lien de parenté est déterminé du point de vue de la personne interviewée (qui ne réside plus dans l’immeuble familial à appartements), âgée d’environ 30 ans.

Note 02: Il est à noter que, tant l’appartement du 2ème étage que celui du 3ème furent acquis ultérieurement par la famille.

Immeuble familial à appartements de l’auto-logement à Athènes : aspects spatiaux et temporels

En tenant compte des données morphologiques de l’immeuble familial à appartements de l’auto-logement, nous avons entrepris d’identifier les régions et les périodes où sa présence est la plus fréquente. Sur la base des données du recensement des bâtiments de 2011 réalisé par ELSTAT, ainsi que des données du ministère de l’environnement et de l’énergie, nous avons produit les cartes 1 à 3 pour la région métropolitaine[6] d’Athènes : la carte 1 présente les valeurs des taux de couverture, la carte 2 présente les taux (par municipalité) des immeubles à 2 et à 3 étages. La carte 3 présente les taux (par municipalité) des bâtiments comptant 3 à 5 appartements. Combinées, ces trois cartes offrent une première image des régions et des municipalités où se trouvent principalement les immeubles familiaux à appartements.

Selon la carte 1, les régions aux taux de couverture les plus élevés (de 3,5 ou plus) se trouvent dans les municipalités d’Athènes et du Pirée mais aussi dans les municipalités limitrophes, aux taux de couverture entre 2 et 3,5. Les taux de couverture moyens à faibles (entre 1 et 2) correspondent à des régions de la périphérie, principalement dans les banlieues ouest (Aghia Varvara, Chaïdari, Ilion, Peristeri, Petroupoli, Aghioi Anargyroi, Néa Filadelfia-Chalkidona) où se concentrés les petits (en volume et en hauteur) immeubles familiaux. Toutefois, des valeurs identiques sont identifiées dans les banlieues nord (Métamorphosi, Iraklio, Maroussi, Chalandri, Aghia Paraskevi et Papagos-Cholargos) mais aussi sud (Moschato) et sud-est d’Athènes (Ymittos, Aghios Dimitrios, Ilioupoli, Elliniko-Argyroupoli). Enfin, les taux de couverture les plus bas (jusqu’à 1) sont identifiés dans les banlieues d’Athènes à faible densité de population, où les maisons indépendantes et les maisons jumelles sont dispersées.

Carte 1: Les taux de couverture dans la région métropolitaine d’Athènes

Source: Ministère de l’environnement et de l’énergie, traitement par l’auteur

Les cartes 2 et 3 montrent (au niveau des municipalités) la présence de bâtiments à 2 ou 3 étages, ainsi que la présence d’immeubles résidentiels à 3 à 5 appartements. De la carte 2 il découle que la concentration la plus élevée de bâtiments à 2 et 3 étages se trouve à l’ouest et, surtout, dans les municipalités d’Aigaleo, Peristeri et Petroupoli, mais aussi dans le sud-est de la ville, principalement dans les municipalités d’Aghios Dimitrios, Ilioupoli, Elliniko-Argyroupoli et Glyfada, ainsi que dans la municipalité de Galatsi. Cette image semble être vérifiée – à quelques différences près – pour ce qui est de la concentration spatiale d’immeubles à 3 à 5 appartements (carte 3).

Carte 2: Taux d’immeubles à 2 et à 3 étages (sur l’ensemble des immeubles) par municipalité

Source: ELSTAT, Recensement des immeubles de 2011, traitement par l’auteur

Carte 3: Taux d’immeubles à 3 à 5 étages (sur l’ensemble des immeubles) par municipalité

Source: ELSTAT, Recensement des immeubles de 2011, traitement par l’auteur

Il faudrait procéder à une analyse à plus petite échelle spatiale et/ou d’établir le lien entre la taille des immeubles et la superficie des terrains, par région, afin de tirer des conclusions plus sûres. Ces 3 cartes indiquent que les immeubles de ces dimensions – correspondant à celles que présentent habituellement les immeubles familiaux à appartements de l’auto-logement – sont principalement situés dans des municipalités en périphérie de la Municipalité d’Athènes, dont le profil social est celui de la classe moyenne (au sud-est) ou bien dans des municipalités au passé ouvrier et présentant une mobilité sociale endogène intense au cours des dernières décennies (ouest).

Les immeubles familiaux à appartements issus du système de l’auto-logement furent principalement érigés à partir du début des années 1970, constituant en fait une seconde étape du processus de l’auto-logement. Elle succéda à la première étape de l’auto-logement (années 1950 et 1960), celle des habitations à un étage et des ajouts horizontaux auxquels il fut progressivement ajouté des étages.

La construction des immeubles familiaux à appartements de l’auto-logement est postérieure à celle des immeubles à appartements de la contre-prestation. La principale raison en est qu’il s’agit de la seconde phase de l’auto-logement qui fut combinée à la mobilité sociale trans-générationnelle des couches sociales ouvrières qui eurent recours à l’auto-logement dans la partie ouest de la ville. En même temps, les immeubles familiaux à appartements se situent en périphérie de la ville, avec de faibles taux de couverture et des terrains de taille réduite, qui rendaient la contre-prestation peu intéressante, aussi bien pour les propriétaires des terrains que pour les entrepreneurs.

Les cartes 4Α, 4B, 4C, 4D montrent que, du point de vue temporel, les taux les plus élevés de construction d’immeubles à 2 étages concernent en premier lieu les années 1971-1980 mais aussi, en second lieu, les années 1981-1990.

Carte 4 A,B,C & D: Les taux de construction d’immeubles à 2 étages par période

Source: ELSTAT, Recensement des immeubles de 2011, traitement par l’auteur

Caractéristiques socioéconomiques, utilisation, régime d’habitation

L’examen centré sur l’intérieur de l’immeuble familial à appartements de l’auto-logement montre qu’il s’agit d’un immeuble à appartements essentiellement homogène. Ainsi, sont absents les phénomènes que l’on observe dans les immeubles à appartements d’Athènes, tels que la division sociale verticale (où les classes sociales et, parfois, l’origine ethnique des ménages déterminent la répartition en hauteur et par étage). Nous traitons de l’immeuble à appartements principalement « grec », sans présence de migrants, aux étages duquel les résidents ne présentent pas de différences socio-économiques significatives. À cela contribue le maintien du régime de la cohabitation familiale et de la proximité spatiale – associées aux pratiques d’entraide et de soutien mutuel, qui créent des prédispositions à la convergence entre ménages et réduisent les probabilités de marginalisation de leurs membres.

Le deuxième point d’homogénéité porte sur les utilisations. Dans le cas des immeubles familiaux à appartements, l’utilisation dominante est celle du logement. Dès lors que l’immeuble familial à appartements a été construit principalement pour répondre aux besoins de logement des membres de la famille et en raison du nombre limité de mètres carrés, il n’y a généralement pas d’espace excédentaire susceptible d’être destiné à d’autres utilisations, comme c’est le cas dans les immeubles à appartements d’Athènes qui sont de plus grande taille et/ou dont la localisation est plus centrale. Pour les mêmes raisons, les immeubles familiaux à appartements ne comptent pas d’appartements vides. La gestion des besoins accrus en logement et le caractère particulier (familiocentrique) de la propriété contribuent à l’utilisation immédiate des locaux vides susceptibles d’exister.

Le caractère particulier de la propriété réside dans le fait que, indépendamment de la propriété formelle des appartements, domine un sens simultané de propriété collective qui se traduit dans la possibilité de procéder à des aménagements et des déplacements internes dans les appartements de l’immeuble familial. La mobilité interne affecte le régime d’habitation puisque le régime de la cession à titre gratuit – formelle ou informelle – est appliqué de façon étendue. Parallèlement aux démarches juridiques usuelles réalisées principalement dans le but de réduire les charges fiscales d’une famille (par exemple, transferts de propriété ou de nue-propriété, donation des parents, etc.) il y a également des réaménagements des locaux entre les membres, indépendamment de la propriété formelle. Ainsi, l’occupation du logement par son propriétaire et la cession gratuite dominent absolument dans les immeubles familiaux à appartements, en tant que régimes d’occupation. Les figures suivantes (figures 07 – 12) indiquent le régime d’habitation et la relation (de parenté ou pas) entre occupant-propriétaire, dans les appartements des immeubles familiaux qui ont fait l’objet de l’étude.

Figure 7: Plan du régime d’habitation et des liens de parenté dans un immeuble familial à appartements de l’auto-logement situé à Vyronas

Figure 8: Plan du régime d’habitation et des liens de parenté dans un immeuble familial à appartements de l’auto-logement situé à Ilioupoli

Figure 9: Plan du régime d’habitation et des liens de parenté dans un immeuble familial à appartements de l’auto-logement situé à Chaïdari

Figure 10: Plan du régime d’habitation et des liens de parenté dans un immeuble familial à appartements de l’auto-logement situé à Lykavittos

Figure 11: Plan du régime d’habitation et des liens de parenté dans un immeuble familial à appartements de la contreprestation situé à Petroupoli

Figure 12: Plan du régime d’habitation et des liens de parenté dans un immeuble familial à appartements de la contreprestation situé à Ilissia

Appropriation de l’espace et pratiques familiales

De plus, les rapports de familiarité entre résidents-proches ainsi que le sentiment que l’intégralité du bâtiment appartient à la famille confèrent aux espaces communs un caractère différent. Ainsi, contrairement à ce qui se produit dans les immeubles à appartements typiques où ces espaces communs sont inactifs et considérés comme de peu de valeur, dans les immeubles familiaux à appartements tous ces espaces (terrasse sur le toit, entrée du bâtiment, jardinières, pilotis, cour-espace non couvert, etc.) deviennent des espaces vitaux et utilitaires pour les membres de la famille. En commençant par les espaces extérieurs du rez-de-chaussée, le rapport à la terre et à l’espace public élargi est plus intense. L’appropriation de l’esplanade, des pilotis ou de l’espace non couvert est souvent associée au jardinage, au jeu, aux réunions entre amis et famille, et renvoie à une image de communauté rurale. L’entrée de l’immeuble, la cage d’escalier et les espaces communs s’écartent, eux aussi, des espaces propres, fonctionnels, vides de l’immeuble à appartements typique. Compte tenu du fait que, dans les immeubles familiaux à appartements, on observe souvent un manque d’espace, ces espaces communs viennent compléter mètres la superficie réduite des appartements, et deviennent des espaces d’entreposage. Enfin, le toit en terrasse de l’immeuble familial à appartements opère souvent comme un espace actif à ciel ouvert remplissant les fonctions d’espace de jeu, de repos ou de réunion des membres de la famille.

En conclusion

À l’Athènes de l’après-guerre, l’immeuble familial à appartements de l’auto-logement semble opérer comme mécanisme d’intégration des ménages populaires dans les couches sociales plus larges des classes moyennes, en comblant sur le plan matériel, symbolique et morphologique l’écart entre deux mondes aux caractéristiques différentes. D’un côté se trouve le monde rural, prémoderne, populaire, pauvre qui, après la guerre, est logé dans des habitations à un étage, inappropriées, illégales et fruits de l’autoconstruction, parmi des proches et des gens issues des mêmes régions, reproduisant les conditions « fermées » du village dans la banlieue d’Athènes. De l’autre côté, des couches sociales plus aisées sont logées dans les appartements modernes, dotés de l’équipement moderne des immeubles à appartements urbains à plusieurs étages, fruits de la contre-prestation. Par conséquent, le petit immeuble familial à appartements, à 2 ou 3 étages, jette un pont entre ces deux mondes, qui répond progressivement aux besoins croissants en logement de la famille populaire et améliore les infrastructures et les spécifications de l’habitation, tout en émoussant les différences morphologiques par rapport aux grands immeubles à appartements de la capitale. Cependant, en même temps, au moyen des pratiques d’entraide et de contrôle que la proximité spatiale facilite et, souvent, impose, il préserve et reproduit le cadre de la cohabitation et de la vie commune de la famille élargie en tant que système fermé.

L’avenir et les perspectives de conservation de l’immeuble familial à appartements dépendent de plusieurs facteurs. Il est évident que les avantages de la cohabitation familiale, de la vie en collectivité, des pratiques d’entraide et de soutien aux membres les plus vulnérables sont de puissants arguments plaidant en faveur de l’immeuble familial à appartements, en particulier en périodes de crises économique et du logement. Cependant, les désavantages aussi importants que représentent le contrôle accru et la possibilité réduite pour les membres de devenir autonomes semblent contrebalancer les éléments positifs susmentionnés. Au soutien mutuel apparent, mais existant, entre les membres de la famille est associé un cadre d’intérêts et d’engagements mutuels, où dominent les relations hiérarchiques fondées sur le sexe, l’âge ou le degré de parenté.

En conclusion, l’immeuble familial à appartements constitue un élément important des systèmes de logement de l’après-guerre et de l’immeuble à appartements grec. En tant que phénomène, il est le fruit de plusieurs facteurs mais, surtout, de la place dominante qu’occupe la famille grecque dans le devenir social et, en particulier, dans le domaine du logement. Par conséquent, la conservation/préservation de l’immeuble familial à appartements dépendra de plusieurs et divers facteurs dont le principal sera celui du rôle futur de la famille sud-européenne et grecque et ses probables mutations.

[1] En tant que pratique, la « levée vers le haut » consiste à ajouter en hauteur un ou plusieurs étages à un édifice préexistant

[2] La famille élargie est la famille qui s’étend au-delà de la famille nucléaire et peut inclure d’autres proches tels que les grands-parents, les oncles et les tantes, les neveux et les nièces, etc.

[3] Lorsqu’il est question d’immeuble à appartements à 2 étages, cela signifie un immeuble avec rez-de-chaussée + 2 étages. Respectivement, l’immeuble à appartements à 3 étages, est un immeuble avec rez-de-chaussée + 3 étages, et ainsi de suite.

[4] La notion de « couverture » a trait au niveau horizontal de projection (au sol) du contour de l’immeuble.

[5] Les « attentes » sont les ferrailles saillantes sur la plaque du toit en terrasse qui sont destinées à accueillir, dans un second temps, un ou plusieurs autres étages.

[6] Les cartes concernent principalement 40 municipalités définies selon le système Kallikratis d’Athènes (secteurs nord, sud, centre et ouest) et du Pirée.

Référence de la notice

K Tsellos (2025) L’immeuble familial à appartements, à Athènes, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/the-family-multi-storey-apartment-building-in-athens/ , DOI: XXX

Référence de l’Atlas

Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9

Références

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